L'ASW 12               

Maquette de Fred Basseville

Article paru dans RCM n°164 Décembre 1994

Novembre 1992, je cherchais un planeur original, qui n'ait jamais été fait auparavent et qui soit techniquement le plus près de la réalité. Tina MATERN me présenta un planeur pour le moins différent des autres, qui me séduisit tout de suite : pas d'aérofrein, mais un parachute de queue, un train d'atterrissage sortant à 90° et des formes rondes pour un appareil qui était un des premiers plastiques ...
 
Photo envoyée par Thierry

Le seul pilote à avoir possédé une telle machine en France est un ami vélivole de Tina, J.P. BARROIS. Après lui avoir exposé mon projet, il fut intéressé et me donna une vingtaine de photos, les plans des parachutes, la cinématique du train rentrant et les dessins des modifications qu'il avait apportées, dont un nouveau parachute placé derrière la trappe de train, des mini pennes à la place des saumons, une ouverture de verrière qui d'origine s'enlevait complètement comme sur l'ASW 15, la pose de l'oxygène, une monotrappe pour gagner en finesse et une ouïe à l'arrière du fuselage mettant celui-ci en dépression. Ce planeur s'appelait l'Alpha deux fois.

Le fuselage

Cette magnifique pièce n'existant pas dans le commerce, il faut donc la réaliser. De dimension hors du commun (quoique), sa longueur dépasse les deux mètres cinquante, sa hauteur est de soixante centimètres, son maître couple de vingt par vingt cinq centimètres et le tout est profilé d'une verrière de soixante dix centimètres de long.
La première étape consiste à dessiner le fuselage à l'échelle du modèle, vu de côté et vu de dessus, pour déceler les éventuelles erreurs du triptyque et les corrriger à partir des photos du planeur réel.
Une poutre en contre-plaqué est réalisée comme base de départ, plaquée de polystyrène classe 5 puis pincé à la forme du fuselage. Celle-ci est recouverte d'un tissu de 125 grammes qui va rendre la surface plus résistante au touché. pour faire disparaître les imperfections de la stratification, plusieurs couches de mastic liquide polyester sont passées au pistolet puis dégrossies au ponçage, puis reprises par une couche d'apprêt carrossier, poncé au 60 à l'eau. une couche de peinture polyuréthane est passée en dernière couche, poncée au papier à l'eau et lustrée pour obtenir une finition parfaite.
Pendant la construction de la forme, le V longitudinal est calé à 1,5° et la feuillure de la verrière avant, qui est fixe, est usinée au moyen d'une mini défonceuse.
Le plan de joint est préparé puis assemblé à la forme. Une dizaine de couches de cire sont nécessaires pour garantir un bon démoulage.

Enfin la construction du moule peut commencer. De nombreux articles ayant déjà traité ce sujet dans notre revue préférée, je ne le développerai pas ici.

Le moule terminé est à nouveau ciré, une dizaine de couches sont passées pour assurer le parfait démoulage du premier fuselage.
Le gelcoat époxy blanc est passé au pistolet, des congés de résine et microsphères sont faits dans tous les angles vifs puis le tout est stratifié d'un 125 grammes en finition et un 260 grammes doublé ou triplé pour les parties les plus sollicitées. Le plan de joint est fait par recouvrement et le tout est mis en étuve à 40° pendant 12 heures. Le démoulage du fuselage ne pose aucun problème si ce n'est que l'arceau de verrière pince un peu. Une fois ébavuré, les trappes de parachutes et de train sont découpées.

La clef en fibre de verre époxy et les caissons renfermant les parachutes sont posés. Les verrières, en PVC thermoformé, sont ajustées sur le fuselage. La partie avant est collée au silicone dans la feuillure prévue à cet effet, la partie arrière est collée sur un baquet en contre-plaqué. La fermeture est comme celle du planeur réel, deux verrous à bonhomme à l'avant et un compas à l'arrière (cette modif a été apportée par J.P. BARROIS).
Le volet de dérive est entièrement construit en balsa et pèse cinquante grammes fini.

Les verrières

Pour simplifier la construction de la forme, l'ai moulé l'avant du fuselage jusqu'au bord d'attaque, en la renforçant. Après démoulage, elle est remplie de plâtre jusqu'à ce que l'on obtienne une ébauche grossière des verrières. L'excédent de plâtre est poncé en suivant les lignes du fuselage. Toute la forme est recouverte d'une suédine, tendue et agrafée à quatre centimètres sous le niveau de la verrière. Le moulage de la partie avant présente quelques difficultés car il y a une grande différence de rayon entre l'avant et l'arrière, il faut donc chauffer énormément le PVC. J'utilise pour cela un chauffage à gaz de 4000 W qui s'avère très efficace. Quant à la partie arrière, elle ne présente aucun problème car elle est pratiquement cylindrique.

La voilure

La construction est classique : noyau polystyrène, longeron bois et verre stratifié sous vide.
La découpe des ailes se fait en quatre tronçons pour positionner les différents profils. Les noyaus sont collés au pistolet à colle chaude, l'extrados est coffré avec un "nalthène" préalablement peint avec une peinture acrylique puis stratifié avec un 130 grammes en finition et un 100 grammes unidirectionnel. Le tout est mis sous vide dans une étuve à 40° pendant 10 heures. Le passage du longeron est exécuté à l'aide de plusieurs lames de scie à métaux puis collé à la résine et microballon.
Les fils électriques passés, les clefs posées, l'intrados peut être coffré de la même façon que l'extrados.
La réalisation des bords d'attaque se fait par recouvrement en les roulant avec le nalthène. Ces bords d'attaque sont très résistants car après un "crash-test" involontaire éxécuté avec un DG 600 de 6 m (certains se reconnaîtront), ils ne sont délaminés au niveau des chocs seulement.
Les volets sont coupés au cutter, l'emplacement des servos est pratiqué à la défonceuse. Les mini-pennes sont réalisés en balsa.
L'articulation des volets est très esthétique et très simple à réaliser. Ici les charnières se retrouvent sur l'intrados. Après avoir découpé les volets, à l'aide d'une lime, il suffit de creuser le passage du volet dans le polystyrène de l'aile. Sur le volet, côté extrados, il faut pratiquer une saignée de 5 mm de profondeur sous la stratification avec une lame de scie à métaux. Ensuite le revêtement est recollé à l'époxy en le rabattant avec une règle et quelques serre-joints. Les volets et les ailerons sont articulés par une trentaine de charnières.
Le stab est coffré balsa entoilé Solar, sa fixation est invisible et il ne pèse que 120 grammes fini.

Le train d'atterrissage

Comme vous pouvez le constater, la roue de 120 mm de diamètre sort à 90° du fuselage, ce qui est impossible à réaliser avec les trains rentrants du commerce.
J'ai donc conçu une mécanique qui puisse s'installer sur tous les planeurs et réalisable avec un minimum d'outillage. Il n'y a rien de particulier à expliquer sur la fabrication, simplement le plus grand soin est à apporter sur les perçages des axes. Le ressort de rappel est recherché en fonction du poids de la roue et de la fourche. Des trous d'allégement sont pratiqués (le gain de poids est de 70 grammes). Vu la masse du planeur, j'ai décidé d'amortir le train pour éviter les contraintes sur le fuselage dues aux terrains souvent mal pavés. Ces amortisseurs sont constitués de deux Silentblocs qui travaillent à l'étirement. La fourche est réalisée en acier, pour faciliter la fabrication (soudures, formes) et pour sa résistance car les sections sont assez faibles. La fixation du train au fuselage est faite à la colle pour pare-brise, qui est très résistante et souple. Les matériaux sont très faciles à trouver : AU4G pour la structure, 25 cd4s pour la fourche, tige filetée M6, CAP 4mm, tube laiton 8 mm, écrou M6, vis CHC M6, Silentbloc 20x20, rondelles 6 mm, colle pare-brise (carrossiers) ...

L'installation radio

Elle est assez simple car la majorité des servos est directement reliée aux gouvernes. Le servo de profondeur est installé dans la dérive, sa commande fait une quinzaine de centimètres et son accès se fait en enlevant le volet de dérive. La direction est commandée en aller-retour par câble, le servo se trouve à l'avant pour gagner le maximum de poids sur l'arrière.
Les servos du parachute sont posés sous l'aile ; la commande du parachute arrière fait la longueur du fuselage.
Le crochet de remorquage et le train rentrant sont commandés par la même voie. Le premier est placé à l'avant et le second directement sur le bâti du train rentrant. Les ailerons sont commandés par deux mini-servos placés en bout d'aile. Les volets de courbure sont manoeuvrés par quatre servos qui sont branchés sur la voie des gaz : trim au neutre : volet 0°, trim poussé : volets négatifs et trim tiré : volets positifs. La position d'atterrissage (ou landing pour les puristes), est actionnée par la commande des gaz (manche tiré : volets à 45°).
Tous les servos , à l'exception de la profondeur et du train rentrant, sont collés au silicone. Cette technique permet une pose rapide des servos et résout certains problèmes (tels que les courbes du fuselage) et permet de combler des épaisseurs jusqu'à 5 mm tout en ayant une grande résistance aux vibrations et aux chocs. Pour les décoller, il suffit de passer un câble de VCC entre le support et le servo, en tirant avec un mouvement de droite à gauche pour couper l'élastomère. Tous ces ervos étant dispersés dans le planeur, pour les relier, il en faudra pas moins de 15 m linéaires de fil son.
Le récepteur est un 8 voies alimenté par un accus de 6V, 4 Ah équipé de 2 inters à bascule branchés à deux endroits différents sur l'accu et reliés au récepteur, l'un sur l'entrée alimentation et l'autre sur une voie utilisée avec un Y. Cet ensemble est doublé d'un autre accu de 6V 1,2 Ah et un Sécural.
Pendant les manoeuvres de sortie de train, sortie des volets et en bougeant toutes les gouvernes, j'ai pu mesurer une consommation de 1,5 ampères, ce qui donne à réfléchir (cet essai a été réalisé en faisant forcer les commandes).

Les parachutes

C'est à un ami vélivole et voilier que j'ai fait appel pour la fabrication de ces "pépins".
Ils sont réalisés en toile de "spi", cousue-collée avec des suspentes en nylon de diam 3. La réalisation n'est pas très compliquée. Un parachute peut être comparé à une demie sphère que l'on dessine vue de profil. Sur le rayon, on trace une perpendiculaire qui donne la symétrie de la demi-sphère. Ensuite, il faut tracer plusieurs diamètres parallèles à la base de la demie-sphère. La circonférence de la base R est divisée en douze panneaux, ce qui donne la largeur de la base du panneau. Cette opération est répétée sur tous les diamètres R1, R2, R3. Il ne reste plus qu'à rejoindre tous les points pour avoir la forme du panneau, sur laquelle on ajoute 5 mm pour les coutures. Les panneaux sont collés au double face et cousus. Les suspentes sont cousues sur trois centimètres. La cheminée est découpée et ajustée en fonction de la traînée désirée.
 
 

Le vol

Fin mai, le rendez-vous est pris avec Maurice Luzzato sur le terrain de Pézenas. Le vent est secteur N.O. de 10 km/h. Le planeur est monté et le remorqueur est prêt à libérer ses chevaux dont on va avoir besoin, car l'"Alpha deux fois" accuse les 13,5 kg. Mise des gaz, l'attelage avance lentement, le planeur réagit bien aux ailerons et à la direction. Cinquante mètres sont parcourus et malgré la profondeur à piquer rien ne se passe. Trente mètres plus loin, le stabilisateur se soulage, les ailes fléchissent et le planeur s'arrache de la planète. L'attelage monte rapidement à une altitude d'environ 400 mètres, et c'est le largage. Enfin libre, les essais peuvent commencer. La profondeur est très molle, les ailerons manquent de différentiel et les volets sortis à 45° demandent une forte action à piquer.
Le premier atterrissage s'effectue sans parachute mais avec les volets. Le planeur passe le seuil de piste à une vingtaine de mètres et parcourt 300 mètres avant de toucher le sol. Les parachutes s'imposent donc ...

Au deuxième vol, 300 grammes de plomb sont enlevés et le planeur réagit mieux à la profondeur, mais il est encore centré trop avant. Essai du parachute en altitude : raté, j'ai poussé les deux crans de l'inter et le parachute descend tout seul. L'atterrissage se passe mieux, volets à 45°, pente de 30°, arrondi parfait et après roulage d'une quinzaine de mètres le planeur s'arrête lentement. J'enlève encore 300 grammes de plomb pour le troisième vol. Il est maintenant plus homogène aux commandes. Volets en position positif, et après quelques tours de spirales il est déjà très haut. L'atterrissage se passe très bien avec un réalisme étonnant. La roue étant crevée, nous arrêtons les vols avec une bonne liste de modifs, surtout quand Maurice me propose de participer aux championnats de France maquette, car pour pouvoir concourir, il me faut passer sous la barre des 12 kg, alors que le planeur pèse 12,6 kg !
Il me reste encore un mois pour gagner 700 grammes et faire d'autres essais.

Pour commencer l'intérieur de la dérive est poncé, le stab est refait et le gain de poids sur l'arrière est de 170 grammes, ce qui fait 340 grammes de plomb en moins à l'avant. Il faut encore grignoter 200 grammes ... Le plomb, les accus, le récepteur et certains servos sont avancés, le train et le fourreau des clefs sont encore allégés. Cette fois, le poids total est enfin sous la barre fatidique avec 11,950 kg.

Le planeur a un vol très sain, avec des trajectoires tendues. Les accélérations sont très progressives, et le décrochage n'est pas violent.
Les essais du parachute arrière se sont faits en altitude. Prise de vitesse, ouverture du parachute. C'est très beau, mais qu'elle n'a pas été ma surprise lorsque le planeur s'est arrêté et s'est mis à pendre sous le parachute. Immédiatement celui-ci est largué et le planeur reprend son vol. Je pense qu'il est inutile de vous parler des rires et réflexions modélistes. Le parachute ventral, plus petit, présentera moins de problèmes mais la cheminée est tout de même agrandie.
Lors du championnat de France maquette planeur de 1999 à Llupia, Fred a essayé un type de parachute un peu particulier : un slip Kangourou. Ceux qui le connaissent ne s'en étonneront pas.)

Après de longues discussions sur les vols avec J.P. Barrois, la technique du vol pour le planeur réel est appliquée sur le modèle réduit. Les vols suivants n'ont rien de comparable aux précédents. Les descentes rapides et les approches se font en glissade et les atterrissages avec le parachute ventral. Ce planeur est donc très performant, très accrocheur et facile à piloter, si ce n'est les atterrissages qui présentent quelques difficultés.

Conclusion

C'est vraiment une machine originale qui vole très bien, et qui vous procure quelques montées d'adrénaline à chaque atterrissage. Avec une plage de vitesse très large, l'AA est un très grand voilier.

Je remercie tout particulièrement Jean-Pierre BARROIS qui, par ses compétences aéronautiques, m'a apporté beaucoup de solutions pour les problèmes techniques, ainsi que sa connaissance en vol du planeur réel, qui a, semble-t-il, les mêmes réactions que le modèle réduit. J'ajouterai pour les intéressés que sur les quinze planeurs construits par WAIBEL six sont toujours en Europe ; deux de ces planeurs ont été modifiés par leurs propriétaires comme l'AA. Le n° 12014 de Hans WERNER avait une envergure de 20 mètres, recoupée à 19 mètres pour participer au championnat national allemand,, et le n° 12006 fut recoupé à 15 mètes d'envergure par Will SCHUEMAN, en modifiant la géométrie, de manière à préfigurer l'aile du Discus.

Tous les ans , les détenteurs d'ASW 12 se retrouvent pour le "Fly-In ASW 12". Alors Messieurs les modélistes si vous êtes intéressés par un "Fly-In ASW 12 modèles-réduits", je vous attends !

Frédéric BASSEVILLE




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